vendredi 4 janvier 2008

de la tolérance

Comme beaucoup de personne sans doute peut-il arriver que votre argumentation, votre sensibilité et son expression (vos propos) soit automatiquement mis au ban par votre adversaire au motif d'Intolerance. Soyez-sur que ce mot prend un I majuscule de nos jours, tellement l'Intolérance leur est intolérable et que son opposé positif, la Tolérance est erigée en divinité la plus complete. Or, si nous, nous ne prenons pas les mots Tolérance et Intolérance dans une acception morale et que, pour nous, considerer la tolérance et l'intolerance d'une façon aussi imparfaite et grossière ne nous est pas permis, qu'en est-il de cette notion et que faut-il en faire ?

Tout d'abord, reconsidérons le terme dans son sens originel et revenons à une base saine du mot. Son origine la plus pure vient du latin tolerantia « constance à supporter, endurance ». C'est donc pour les romains une capacité à la fois physique (du corps) et morale (de la volonté), son opposé n'existe pas "intolerantia" car cela serait quelquechose incapable de supporter quoique ce soit et donc quelquechose sans volonté, donc inéxistante (et sans doute indigne pour un romain). Par contre, l'intolérable est le seuil franchit qui fait basculer ce qui etait jusque là tolérable dans l'insuportable (douleur physique, épuisement totale des forces,etc.). C'est une définition dynamique, vitaliste.

Une définition de 1365 ((Nicole Oresme, Traité des monnaies) donne cela : « action de tolérer, d'admettre quelque chose qu'on n'approuve pas ou qui est défendu, mais que l'on renonce par indulgence à interdire, à empêcher »
Au moyen-age, la tolérance est donc une faiblesse politique, une indulgence vis à vis de quelque chose que l'on sait etre mauvaise.
Toujours est-il que d'un seuil, nous sommes passé à une notion morale au sens grossier (par l'influence du monde chrétien) du terme : c'est une liberté, une licence accordée. Mais une licence accordée qui est consideré comme une faiblesse, un renoncement de l'autorité. Tolérer c'est renoncer.

Ensuite en 1567, cela devient une « disposition à admettre chez les autres une manière d'être, de penser, d'agir différente de la sienne » ici, en partic. « permission accordée à des dissidents de pratiquer librement leur religion » (Condé, Mém., p. 609)
Sentez comme il y a basculement d'une notion à une autre et comme cette dénition pourait etre donné de nos jours.
D'autant plus que ce terme s'applique exclusivement à une autre religion, cf. déb. xviie s. "la tolerance ou non tolerance de deux religions" (D'Aub., Hist., II, 236 ds Littré); on peut meme dire que la TOLERANCE trouve sa consistance à travers la religion, sa raison d'etre, son existence dans une autre religion à tolerer.
Mais, Tolérer, c'est permettre. C'est encore le souverain qui le permet, c'est une grace. Qui dit permition, autorisation dit capacité à defaire (d'ailleurs les lois sur les protestants seront faites puis defaites).

C'est avec la plume des ecrivains des Lumières que le mot sera fixé loin de cette etymologie première des romains et qu'ils le font totalement glisser d'une notion de seuil de supportabilité à une notion de liberté politique abstraite et cette fois-ci dans un sens moral totalement assumé et exclusivement moral, les philosophes des lumières achevent se long processus :
En 1763 elle devient « respect de la liberté d'autrui en ce qui concerne ses opinions politiques, philosophiques », tolérance devient synonyme de respect.
Elle devient une notion morale à part entiere, l'on parle de "cet écrit sur la tolérance" (Voltaire, Traité sur la tolérance, p. 645); d'un "esprit de tolérance" (J. J. Rousseau, Lettres écrites sur la mont., p. 799), et non plus un acte de tolerer ou un seuil.

Et c'est seulement au 19eme siecle que les sciences, particulierement la médecine ré-utilisera le terme au sens etymologique, c'est à dire : « propriété que possède l'organisme de supporter certains remèdes », ou bien en technologie : "« marge d'inexactitude admise dans l'exécution d'une pièce usinée »
ou à nouveau, dans le domaine scientifique la tolérance retrouve sa conception dynamique, redevient seuil, qui une fois depassé n'est plus supportable (pour la medecine) ou un seuil (un quota, une norme) fixé qui au-dela est consideré comme une pièce impartaife (technique).

On voit l'évolution qui va de la morale chrétienne pour l'europe, puis son corrélat sécularisé, l'esprit des lumières pour qui c'est un manichéisme. la Tolérance est un "droit positif" une liberté (accordée d'abord, puis liberté tout court) , et donc par definition l'intolérance une absence de liberté politiques. Elle devient une notion morale purement abstraite au meme titre que le respect, et quelquechose par consèquent d'indiscutable.

Or, pour nous, il est indispensable de redefinir la tolérance et de la degager de la morale quasi religieuse. Car, si nous prenons par exemple le taux de présence étrangère en France et que nous le constatons ou le devinons à partir d'un wagon de train, d'une rue, d'une ville,etc. cela peux nous etre intolérable (nous ne pouvons pas le supporter, notre conscience ne le peux pas sans réaction), mais nous ne sommes pas Intolérant, car ce mot ne veux rien dire. Cela est intolérable pour nous meme (notre conscience, notre volonté, etc.) ou pour l'organisme plus general qu'est notre peuple.

Il y a eu une veritable inversion des valeurs puisque pour les romains, ce que nous nous appelons la Tolérance était justement le contraire qu'ils se refusaient meme à definir, quelquechose sans force, sans volonté, sans résistance. Une apathie, une anestesie (au sens strict: incapacité à resentir), et c'est parce que nous meme nous avons, soit accrue notre sensibilité, soit qu'eux-meme, la position, l'opinion générale est devenue incapable de ressentir quoique ce soit , perdu dans son monde des Idées, dans ces Déités, que nous ne sommes plus capable de tolérer au dela d'un certain seuil.
Ou plutot si. Pour l'opinion general, les seuils ont été deplacés ailleur : ils reagissent tres vite à d'autres agressions : racisme, xénophobie, "intolérance", notion abstraite dans leur esprit mais qui devient intolérable pour eux.

La tolérance pour nous est donc une façon d'etre aux aguets à toutes les agressions qui causeraient la perte de notre organisme, une façon d'etre sensible aux effets. C'est justemement meme ce que nous nous appelons tolérance qui, par l'inversion des valeurs, nous fait etre consideré comme Intolerant.
L'ennemi doit etre aussi pour nous la Tolérance avec un "T" majuscule, qui est en fait la sensibilité d'un cadavre, d'une dépouille, d'un lepreux: insensible, qui ne sent pas son corps se détruire ni se disloquer. nous sommes du coté de la Vie et des Vivants.

1 commentaire:

Ague a dit…

Merci pour cette bien pertinente généalogie du sens du mot. Je suis tout à fait d'accord.
Notre faible seuil de tolérance à l'égard des causes et des conséquences de la décadence morbide de notre ensemble géno-civilisationnel est sain, digne, juste & légitime.