mercredi 21 mai 2008

chronique orinaire

Du café des sports, planté dans la cité des Aviateurs à Orly (Val-de-Marne), il ne reste guère qu'une carcasse chancelante et noircie par les flammes. Devant le parking désert où un vigile fait les cent pas, quelques gerbes de fleurs déjà flétries accompagnent une banderole blanche frappée de ce slogan : «Non à la violence, plus jamais cela ! Retrouvons la paix dans nos quartiers». Le débit de boissons est devenu un mausolée.

Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, Samir C., 20 ans, le fils du gérant, y a été retrouvé mort brûlé vif. Vers une heure, il avait téléphoné à sa mère, Sofia, qui habite dans la commune voisine de Choisy-le-Roi, pour la prévenir qu'il était séquestré par des voyous. Ces derniers s'apprêtaient à incendier le bar familial. Sa mère, affolée, était arrivée quelques minutes après. Mais il était trop tard. Voyant son fils coincé par le feu, elle a volé à son secours en se jetant dans le brasier. Grièvement brûlée et plongée dans le coma, elle luttait hier encore contre la mort à l'hôpital Percy de Clamart. Le cadavre de Samir repose quant à lui à l'Institut médico-légal de Paris en attendant d'être rapatrié vers l'Algérie, d'où il est originaire.

Peu avant que l'établissement soit soufflé par un mélange de gaz et d'essence le laboratoire central n'a retrouvé aucune trace d'explosif , des témoins ont aperçu, sans pouvoir en décrire les membres, une bande d'inconnus s'enfuir dans la nuit. Comme s'ils revenaient d'une expédition punitive. «Samir et son père, Ali, anciens cafetiers à Choisy-le-Roi, avaient repris cette affaire depuis janvier dernier et ne voulaient pas que leur local héberge une des plaques tournantes de la drogue dans le quartier», décrypte un policier.

Au même titre que certaines cités abritent des spécificités criminelles, celle des Aviateurs à Orly cultive des générations de dealers de haschich. Au pied des quelque mille logements de ce complexe en béton des années 1960, le négoce de la résine de cannabis ou d'herbe a fleuri au point de devenir une précieuse source de revenu pour les caïds.


Propriétaires menacés

«En voyant les nouveaux reprendre le bar, des jeunes ont essayé d'en profiter pour leur faire des misères et imposer leur loi», commente Patrice, chômeur depuis vingt ans aux Aviateurs. «Gentils, ils espéraient donner un nouveau punch au quartier», affirme Catherine, une voisine aide-soignante [A mon avis les prénoms Patrice et Catherine sont des modifications]. Mais les menaces étaient telles que Samir et son père avaient déposé, une semaine avant le drame, une main cou­rante au commissariat local. «Ils n'ont fourni aucun élément d'identification, regrette un policier. Donc, cela a laissé juste une trace dans un registre…» «En représailles, les jeunes ont fait en sorte que les gérants ne parlent plus aux keufs, note Patrice. Reste à savoir s'ils voulaient tuer ou juste intimider le fils de la famille…» «Jusqu'ici, les trafiquants ne mettaient jamais leur menace à exécution, atteste le maire (ex-PCF), Gaston Viens. La violence a franchi un nouveau stade.» Pour l'édile, une vérité semble acquise : «Samir et sa mère ont été victimes d'un attentat.» L'omerta des cités pourrait se durcir.

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