vendredi 18 janvier 2008

Quelques vues inditentaires de Chateaubriand

"La naissance et la mort ont le moins perdu des usages indiens, parce qu'elles ne s'en vont point à la vanvole [à la legere] comme la partie de la vie qui les sépare; elles ne sont points choses de mode qui passent. On confere encore au nouveau-né, afin de l'honorer, le nom le plus ancien sous son toit, celui de son aieule, par exemple : car les noms sont toujours pris dans la lignée maternelle. Des ce moment, l'enfant occupe la place de la femem dont il a recueilli le nom : on lui donne, en lui parlant, le degré de parenté que ce nom fait revivre; anisi, un oncle peut saluer un neveut du titre de "grand mere". Cette coutume, en apparence risible, est néanmoins touchante. Elle ressuscite les vieux décédées; elle reproduit dans la faiblesse des premiers ans la faiblesse des derniers; elle rapproche les extremités de la vie, le commencement et la fin de la famille; elle communique une espece d'immortalité aux ancetres et les suppose présents au milieu de leur postérité."

Là ou chateaubriand est tres doué c'est lorsqu'en enumerant les aspects exotiques, curieux, sauvages, barbares de la vie des indiens, à chacun de ces aspects il rapelle en raisonnance une ancienne pratique européenne tout aussi étrange ou "peu civilisé". Tout aussi barbare. Ainsi il montre à la fois que ces civilisations ne sont pas méprisables, et qu'il y a dans son propre passée, dans sa propre civlisation tout autant d'exotisme. Il evite ainsi de tomber dans la preference exotique et redonnent toute sa force splendide, pure dans la barbarie, à l'une et l'autre civilisation:

"Champlain, à la fin de son premier ouvrage au Canada, en 1603, raconte que "proche de la baye des Chaleurs, tirant au sud, est une isle, ou fait résidence un monstre épouvantable que les sauvages appelent "Gougou" " Le canada avait son géant comme le cap des Tempetes avait le sien. Homère est le véritable pere de toutes ces inventions: ce sont toujours les Cyclopes, Charybde et Scylla, ogres ou gougous. "

Sur la fin des peuples indiens sur la perte des valeurs traditionnelles :

"La population sauvage de l'Amérique septentrionale, ne s'éleve pas aujourdrui à 400 000 ames, en deca et au dela des montagnes rocheuses; des voyageurs ne la portent meme qu'à 150 000. La dégradation des moeurs indienne a marché de pair avec la dépopulation des tribus. Les traditions religieuses sont devenues confuses : l'instruction répandue par les jésuites du Canada a melé des idées étrangeres aux idées natives des indigenes. "

"Quand l'indien etait nu ou vetu de peau, il avait quelquechose de grand et de noble; à cette heure, des haillons européens, sans couvrir sa nudité, attestent sa misere: c'est un mendiant à la porte d'un comptoir, ce n'est plus un sauvage dans sa foret. "

Sur le metis qui est nulle-part et traitre :
"
Enfin il sest formé une espece de peuple métis, né des colons et des Indiennnes. Ces hommes, surnommés Bois Brulés, à cause de la couleur de leur peau, sont les courtiers de change entre les auteurs de leur double origine. Parlant la langue de leurs peres et de leurs meres ils ont les vices de leur deux races. Ces batars de la nature civilisée et de la nature sauvage se vendent tantot aux américains, tantot aux anglais, pour leur livrer le monopole des pelleteries; ils entretiennent les rivalités des compagnies anglaises de la Baie d'hudson et du nord ouest, et des compagnies americaines [etc.]. "

"Ne cherchez plus en amerique les constitutions politiques artistement construites dont Charlevoix a fait l'histoire : la monarchie des Hurons, la république des Iroquois. quelque chose de cette destruction s'est acompli et s'accomplit encore en Europe, meme sous nos yeux : un poete prussien, au banquet de l'ordre teutonique, chanta, en vieux prussien, vers l'an 1400, les faits héoriques des anciens guerriers de son pays : personne ne le comprit, et on lui donna, pour récompense, cent noix vides. Aujourd'hui, le bas breton, le basque, le gaelique meurent de cabane en cabane, à mesure que meurent les chevriers et les laboureurs. Dans la province anglaise de COrnouailles, la langue des indigenes s'eteignit vers l'an 1676. Un pecheur disait à des voyageurs " Je ne connais guere que Quatre ou cinq personnes qui parlent breton, et ce sont de vieilles gens comme moi, de soixante à quatre vingts ans, tout ce qui est jeune n'en sait plus un mot.

Des peuples de L'Orénoque n'existent plus, il n'est resté de leur dialecte qu'une douzaine de mots prononcés dans la cime des arbres par des peroquets redevenus libres, comme la grive d'Agrippine gazouillait des mots grecs sur les ballustrades des palais de Rome. et tel sera tot ou tard le sort de nos jargons modernes, debris du grec et du latin. Quelque cobeau envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois, dira, du haut d'un clocher en ruine à des peuples etrangers, nos successeurs " Agrez les accents d'une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours
."

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